Article 35 : Et l’oiseau s’envola vers l’éternité...(A Mme M.)


« Chaque jour qui me rapproche de ma mort, je découvre un peu plus qui je suis.
C’est un long chemin. Et il est rarement paisible.
Mais comment espérer déployer son humanité, son potentiel unique, sans mener cette quête de soi ?
En occultant cette responsabilité qui nous incombe tous, nous sommes condamnés à rester des ignorants dont l’inconscience construira une existence de violence et de souffrances répétées : une vie qui n’aura alors eu aucun sens au moment de notre disparition...Est-ce vraiment là ce que nous souhaitons laisser de notre passage sur terre ?

A notre naissance, nous sommes soumis à nos besoins primaires, aux personnes qui s’occupent de nous et qui peuvent les combler. Soumis également à notre corps si immature et à notre vulnérabilité.
Mais au fur et à mesure de notre croissance, nous développons notre autonomie et notre capacité à penser. Nous pouvons nous détacher de ce qui ne résonne pas pour nous, garder ce qui participe à nous construire positivement et éloigner ce qui nous tire vers le bas.
Et c’est à ce moment là de notre vie qu’il faut prendre conscience de cette véritable responsabilité car cela deviendra notre plus grande chance. Celle de mettre de la lumière sur notre animalité.
Cette opportunité peut nous offrir un espace privilégié pour grandir intérieurement en repoussant toujours plus nos limites, celles que nous n’aurions jamais pensé pouvoir dépasser. Cette route nous amènera alors vers le voyage le plus passionnant du monde : l’aventure de soi...

Cependant les embûches de la vie nous font souvent renoncer à nous-mêmes. Nous subissons la souffrance car elle nous immobilise. Sûrement car nous ne nous faisons pas assez confiance. Nous n’avons pas encore découvert toutes nos capacités profondes. Nous n’apprenons malheureusement pas à rechercher et découvrir ces trésors que nous possédons tous. Et pourtant, tout se trouve en nous. Ne cherchons plus à l’extérieur : apprendre à compter sur soi, faire de son coeur et de son esprit des alliers pour enlacer notre vie avant qu’elle ne nous échappe...

Plus la souffrance me rencontre et plus je me relève. Non pas différente, mais davantage moi-même. Et c’est quand je suis à terre et que je découvre ma vulnérabilité, que je deviens moi-même.
Oui, c’est exactement à cet instant le plus fragile que je n’ai plus d’autres choix : celui de laisser tomber les masques inculqués par mon éducation et la société dans laquelle je vis. Et dans cette ultime bataille avec moi-même j’ai un choix à faire. Soit je continue à me faire du mal et à renier ma nature singulière pour continuer à m’adapter aux stéréotypes du monde. Soit je m’accueille, je m’écoute et je m’offre de l’amour pour apaiser mes tourments intérieurs.
Dans le premier choix je permets au monde extérieur de définir qui je suis.
Dans le second choix, c’est à moi seule que j’autorise à choisir et devenir qui je suis vraiment.

C’est alors que je peux me relever en assumant ma fragilité intérieure car c’est à chaque fois que j’ai le sentiment d’être anéantie par la souffrance que j’apprends à compter un peu plus sur moi. La souffrance est une alerte pour apprendre sur soi. Elle n’est pas une fatalité. Ni une ennemie. L’obstacle c’est la peur. Souffrir est une opportunité de faire grandir son âme. »


Voilà les échanges profonds et riches que j’ai pu avoir avec Mme M.
Son accompagnement s’est éteint avec elle à l'unité des soins palliatifs un jour de printemps. Aujourd’hui elle n’est plus. Mais elle demeure dans mes pensées. Grâce à elle, j’ai grandi encore un peu plus dans cette simplicité de l’Être. Car c’est à chaque fois que je rentrais dans sa chambre que ma blouse blanche de soignante perdait toute sa symbolique : c’est sa sagesse, sa douceur contenante qui ont accompagné l’infirmière que je suis. Les rôles parfois s’inversent...

« Mme M.
votre nom avait l’écho d’un oiseau
dont la liberté vous donnait tellement de lumière.
Si le mot « résilience » n’existait pas, il aurait pris vie avec vous.
Je vous remercie pour tous ces cadeaux d’émotions humaines que vous avez semé…certaines de ces graines continuent de pousser dans le jardin de mon coeur... »



🦋 Charlotte 🦋
Infirmière par amour
Novembre 2023




(Photo Charlotte V.)


Article 34 : Nadine

Les gens blessent les autres parce qu'ils souffrent eux-mêmes de leurs propres blessures. C’est un cercle vicieux et douloureux. Et je fais parti de ces gens là.
Voilà les pensées encombrantes qui viennent me hanter ce matin avant de partir au travail.

Je prends mon poste d’infirmière dans l’unité des soins palliatifs et les transmissions de l’équipe de nuit. De là, j’apprends qu’une patiente nous a quitté et que son corps repose dans une des chambres de notre service. Cette information vient immédiatement m’extirper de mes pensées lourdes et égocentriques de ce matin. Vous me direz, rien d’étonnant un décès dans cette spécialité de travail. Mais jamais je ne pourrai banaliser la fin d’une existence humaine...Dire « adieu » n’est pas une habitude que l’on prend. 
Et je ne cesserai jamais de le raconter : il n’y a pas que des gens qui finissent leur vie dans mon service. C’est une représentation erronée de ce que je vis avec mes collègues, je peux vous l’assurer.

D’ailleurs, cette patiente nous l’avons suivi pendant plusieurs mois, elle a pu rentrer chez elle à plusieurs reprises après l’équilibration de sa douleur ou encore un besoin de réajustements d’aides à domicile. Elle a pu profiter encore de la vie malgré la maladie. Et heureusement que c’est ainsi car nous n’avons pas de mainmise ni sur la vie ni sur la mort...

Cette patiente a eu une vie difficile, ponctuée de grandes épreuves traumatisantes. Cependant, à son contact, cela ne se devinait pas car je l’ai toujours connu souriante, généreuse et d’une grande douceur dans ses partages avec l’équipe soignante.

Je suis toujours bouleversée quand je rencontre des Êtres bienveillants qui savent écouter et accueillir les mots et sentiments des autres avec empathie malgré qu'ils aient été si gravement blessés eux-mêmes par la rudesse de l’existence.
Je la revois toute frêle marcher dans les couloirs de notre unité et si amaigrie par la maladie. Je l'entends encore dans mes souvenirs demander aux soignants s’ils allaient bien aujourd'hui. J'ai encore la vision de ses yeux dotés d’une patience d’ange pour attendre son tour de pansement les jours où nous étions bousculés par la charge de travail. Et je repense avec émotions à ce même petit bout de femme qui offre des chocolats à une collègue car c’était son anniversaire…

Comment lui rendre hommage à présent, en trouvant les mots justes, ceux qui seraient à l’image de son humanité courageuse et sensible ?

Alors, c’est en toute humilité et sincérité que je finirai cet écrit en m’adressant à elle, à son âme, avec toute la maladresse de mon coeur humain car je crois qu’il n’existe parfois rien d’assez fort et juste pour parler d’une personne merveilleuse mais je ne possède que ces quelques mots pour le faire dans cette vie...

« Chére Nadine, je suis si honorée que mon existence est croisée la votre...
Vous vivez encore aujourd’hui et pour l’éternité dans la mémoire et le coeur de ceux qui restes ici-bas. 
J’espère que votre esprit est en paix à présent. 
Sachez qu’ici, ceux qui vous ont connu sont fiers de la femme que vous avez été. 
Merci à vous d’avoir eu le courage de vivre parmi nous…
Votre âme fût une bénédiction pour notre monde. »


Charlotte, infirmière par amour (été 2023)




(Photo Charlotte V.)


Article 33 : Endolori

Il y a un espace très étroit entre ma tête remplie de pensées et mon coeur débordant d’émotions. Et c'est dans ce trou perdu de mon monde, au fin fond de mes ténèbres, que ma colère et mon désarroi sont allés vivre lorsqu’ils sont nés dans les éclats de mes épreuves d’existence.

Souvent le soir, je m'assois avec eux et j'écoute leurs histoires. Ils diffusent des films envahissants en noir et blanc dans ma tête. Ils viennent percuter les sentiments contenus dans mon coeur qu’ils piétinent maladroitement. Mais ils ne sont pas méchants. Ils ont besoin de parler à ma tête et à mon coeur chacun leur tour.
S’exprimer. 
Par tous les moyens.
La colère hurle de fureur dans ma tête et le désarroi endolorit les battements de mon coeur.

Quand l'aube vient, ils me disent que je ne peux pas rester avec eux pour toujours. Ensemble, ils me repoussent vers la vie. Une nouvelle journée commence. Un jour mes yeux resteront fermés pour toujours. Alors je dois y retourner. Je les écoute et je me lève pour tenter d'aller mettre du sens sur ce que la vie souhaite que je comprenne aujourd’hui. Aurai-je toujours ce courage ? Sur ces pensées je me retourne vers eux en leur disant :
« Je vous verrai ce soir ».
Tous deux me regardent car ils savent que je suis encore trop faible pour passer à autre chose et revivre. Ils me soutiennent d’une certaine façon.
On les croit dépourvu d’élan vital, nous ramenant vers notre médiocrité, nous enfonçant tragiquement vers ce que nous avons de plus incompréhensible.
Mais ils nous préviennent et nous informent sur nous-mêmes. Certes, avec une grande violence intérieure le plus souvent mais ils nous alertent que nous arrivons à un carrefour de notre Être, une partie cachée et sombre dont il faut prendre conscience si on veut retrouver la lumière.

On ne peut éviter d’avoir mal si on souhaite se développer et croître notre humanité.
Nos sentiments lourds, nos émotions dîtes négatives ne sont juste que des balises sur notre chemin et des repères nous informant sur notre complexité qui ne demande qu’à être mise en sens et adoucie par notre compassion. Nous avons aussi besoin d'arpenter nos ténèbres pour continuer à être des chercheurs de vie éclairés et aimants.


.:. Charlotte .:.
(Aout 2023)



(Photo de Charlotte Vergori)


Article 32 : Rencontre

La rencontre humaine est aussi passionnante que déroutante...

Au fil de nos expériences, nous pouvons petit à petit mettre des touches de sens sur nos liens d’amour, nos relations intimes...
Et, au fond, rien n'est vraiment positif ou négatif dans ce domaine. Simplement, la rencontre agit en nous comme un miroir ouvrant alors un chemin vers soi pour mieux se connaître, mieux rencontrer l’autre, mieux comprendre l’humain...
Bien-sûr, l’intensité des émotions et des sentiments est parfois si bousculante à vivre et à appréhender dans tout son corps, sa tête, son coeur. Mais si nous acceptons de vivre pleinement cette aventure humaine, nous découvrirons des trésors de compréhension sur la vie afin d’accéder à son Être unique et développer sa vraie personnalité. 
Oser vivre le lien humain dans toute sa complexité, son incompréhension, sa douleur...mais aussi sa beauté, sa puissance et sa profondeur. Car prendre le risque d'aimer est sûrement la plus belle raison de vivre : seul l'amour rend pleinement vivant.
Au cours de ce voyage d’existence, il y aura des rencontres singulières qui viendront adoucir nos chagrins humains et redonner du sens et notre vie éphémère. Mais cela nous demande de nous laisser toucher par l'autre...et ça n’est pas si simple à faire. Car s’autoriser à ressentir si fortement nous demande de faire confiance à la vie. Et cela implique aussi de lâcher prise dans notre quotidien toujours plus occupé avec une charge mentale écrasante

-     Nous ne prenons plus le temps de nous laisser envelopper par la surprise et la puissance du lien et de l’attachement. Inconsciemment, nous cherchons ainsi à maîtriser la vie pour ne pas risquer de souffrir.
-     Nous n’accordons que peu d’attention à créer régulièrement des espaces privilégiés de retrouvailles dans lesquels la relation à l’autre pourra s’exprimer, se développer et se vivre réciproquement. Inconsciemment, nous sommes terrifiés à l’idée de nous laisser aller car nous avons terriblement peur d’aimer.

Avoir l’audace de se laisser touché soudainement et de façon inexplicable par la magie de la rencontre lorsque nous avons la chance d’en faire une...Apprivoiser la peur pour rassurer son coeur au contact de l’amour pour le vivre profondément.

La vraie rencontre peut heurter notre vie seulement si nous sommes prêts à écouter ce langage singulier du coeur...Lorsque nous sommes face à cet autre et qu’instantanément sans le connaître encore, nos émotions et nos sentiments nous parlent : ils sont alors un langage pour notre coeur qui nous chuchote à l'intérieur de nous qu'avec de l'attention et de l'engagement sincère et réciproque, une relation d'amour unique peut naître entre deux vies humaines. 


Charlotte, mars 2023



(Photo C.V)


Article 31 : Profondément


Chaque jour je me réveille difficilement dans un monde dépourvu d’amour. Comment est-il donc possible de vivre sans se sentir exister profondément ? Comment les Êtres que nous sommes, pourtant dotés d’une humanité à la naissance, pouvons-nous accepter et développer une telle destinée ?

Chaque matin, mon corps peine de tout son poids pour se redresser face à l’agressivité d’une nouvelle journée qui apparaît devant mes yeux endoloris. Comment appréhender les prochaines secondes de mon existence lorsque je sais que mon coeur va encore se briser face à la froideur de mes semblables au moment où nos vies vont se confronter plutôt que de se rencontrer.
La pauvreté du coeur des Hommes emprisonne la vie dans une privation de profondeur mortelle.
Nous sommes des automates dont les sentiments sont anesthésiés. Quelle cruauté pour nos âmes incarnées.

Pourquoi aucun coeur n’interroge-t-il un autre coeur pour comprendre quelle est sa cachette ? Pourquoi avons nous perdu cet élan authentique du lien ? Un élan dont nous jouissons naturellement à la naissance et qui s’éteint petit à petit lors de l'apprentissage des règles sociétales et de bienséances. Au lieu de nourrir cette capacité de l’enfance à épanouir naturellement notre Être, nous vivons en étouffant notre véritable nature.

Pourtant, il suffirait de créer ensemble un espace sincère de rencontre lorsque nos coeurs appellent à l’attachement. Cet espace serait tolérant et paisible permettant à chacun de déposer sa lourde valise d’existence et de créer un lien d’amour réciproque pour avancer ensemble vers la vie et la découverte de soi à travers le miroir de l’autre. L’expérience de la vie ne serait sans nul doute pas plus simple à vivre mais nous pourrions la surmonter plus en douceur parfois à travers cette tendresse d’aimer, la seule arme véritable contre la violence du monde. Arrêtons de nous parler comme à des rivaux mais regardons nous comme des égaux dont la différence passionnerait au lieu d’effrayer. Chacun d’entre nous a une place dans ce monde. Pourquoi toujours lutter pour se sentir exister ? Accueillons ce qui doit être. Nous sommes fait pour vivre. Et surtout chacun d’entre nous a besoin d’aimer et d’être aimé. Remettons cette vérité au centre de notre orgueil suffisant qui nous fait vivre dans l’illusion de l’indépendance comme seul but d’existence. Nous pouvons nous réaliser et développer notre autonomie en apprenant ensemble à exprimer notre singularité. Et nous pouvons aimer et être aimer pour cela. C’est dans l’union et le lien que nous somme forts et libres.

Aujourd’hui, je n'ai plus aucune patience pour des réunions interminables, qu’elles soient d’ordre privé ou professionnelle, ces espaces où on discute de procédures, de règles. Des échanges alimentés par notre masque social et à travers lesquels jamais nous n’avons la générosité et le courage de montrer notre sensibilité unique.
Je n'ai plus le temps de supporter les gens qui n’écoutent que leur égo et qui n’ont pas l’audace d’apprendre à découvrir leur profondeur afin d’y mettre des touches de sens et qui demeurent perdus dans une vie d’ignorance et de lutte acharnée contre lui-même plutôt que d’essayer de trouver le chemin de son coeur pour le partager avec les autres.
Je n'ai plus l’énergie de négocier avec la pauvreté de certains échanges sans intérêt durant lesquels les gens ne discutent pas du contenu de leur pensée mais n’évoquent seulement les titres. Une vie dictée par la peur et les certitudes plutôt que l’ouverture de son esprit vers la complexité de ce que nous sommes avec bienveillance et compassion.

Le temps est précieux...L’avez-vous donc occulté ? L’humain vit toujours plus dans un déni de son éphémère existence. L’éternité ne fait pas parti de notre monde. Il est urgent de s’en souvenir et de vivre en conséquence : c’est à dire en conscience.
Aujourd’hui et plus que jamais j’étouffe d’autant d’absurdité.

Je ne veux pas de cette vie d’errance. Je m’y refuse de toutes mes forces.
Je veux vivre à côté de gens humains. Terriblement humains. Qui savent sourire de leurs erreurs. Qui ne se vantent pas de victoires. Qui défendent la dignité humaine et qui ne souhaitent qu'être du côté de la vérité et de l'authenticité. Sinon je choisirai la solitude plutôt que cette servitude.
Pour ce qu’il me reste à vivre, je veux nourrir et partager des moments présents de qualité. Je veux plonger dans la profondeur de la vie avec des Êtres qui portent des vraies aspirations valeureuses.
Et surtout, je veux entourer mon intimité de personnes qui savent arriver au cœur des gens. Des Êtres à qui les coups durs de la vie ont appris à grandir avec des caresses. Des humains qui aiment l'âme avant d’aimer un corps. Tout cet essentiel qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue.


Je veux vivre intensément et pleinement une vie
que seule la profondeur d’Être peut me donner.



Charlotte, février 2023 :
Réapprendre à vivre pour Être et devenir plutôt que de paraitre et de survivre...
Puissiez vous arpenter votre vie avec ce courage de plonger profondément en votre coeur
pour grandir et partager des moments de vie authentiques avant de quitter ce monde ..."




(Photo C.V.)