Article 34 : Nadine

Les gens blessent les autres parce qu'ils souffrent eux-mêmes de leurs propres blessures. C’est un cercle vicieux et douloureux. Et je fais parti de ces gens là.
Voilà les pensées encombrantes qui viennent me hanter ce matin avant de partir au travail.

Je prends mon poste d’infirmière dans l’unité des soins palliatifs et les transmissions de l’équipe de nuit. De là, j’apprends qu’une patiente nous a quitté et que son corps repose dans une des chambres de notre service. Cette information vient immédiatement m’extirper de mes pensées lourdes et égocentriques de ce matin. Vous me direz, rien d’étonnant un décès dans cette spécialité de travail. Mais jamais je ne pourrai banaliser la fin d’une existence humaine...Dire « adieu » n’est pas une habitude que l’on prend. 
Et je ne cesserai jamais de le raconter : il n’y a pas que des gens qui finissent leur vie dans mon service. C’est une représentation erronée de ce que je vis avec mes collègues, je peux vous l’assurer.

D’ailleurs, cette patiente nous l’avons suivi pendant plusieurs mois, elle a pu rentrer chez elle à plusieurs reprises après l’équilibration de sa douleur ou encore un besoin de réajustements d’aides à domicile. Elle a pu profiter encore de la vie malgré la maladie. Et heureusement que c’est ainsi car nous n’avons pas de mainmise ni sur la vie ni sur la mort...

Cette patiente a eu une vie difficile, ponctuée de grandes épreuves traumatisantes. Cependant, à son contact, cela ne se devinait pas car je l’ai toujours connu souriante, généreuse et d’une grande douceur dans ses partages avec l’équipe soignante.

Je suis toujours bouleversée quand je rencontre des Êtres bienveillants qui savent écouter et accueillir les mots et sentiments des autres avec empathie malgré qu'ils aient été si gravement blessés eux-mêmes par la rudesse de l’existence.
Je la revois toute frêle marcher dans les couloirs de notre unité et si amaigrie par la maladie. Je l'entends encore dans mes souvenirs demander aux soignants s’ils allaient bien aujourd'hui. J'ai encore la vision de ses yeux dotés d’une patience d’ange pour attendre son tour de pansement les jours où nous étions bousculés par la charge de travail. Et je repense avec émotions à ce même petit bout de femme qui offre des chocolats à une collègue car c’était son anniversaire…

Comment lui rendre hommage à présent, en trouvant les mots justes, ceux qui seraient à l’image de son humanité courageuse et sensible ?

Alors, c’est en toute humilité et sincérité que je finirai cet écrit en m’adressant à elle, à son âme, avec toute la maladresse de mon coeur humain car je crois qu’il n’existe parfois rien d’assez fort et juste pour parler d’une personne merveilleuse mais je ne possède que ces quelques mots pour le faire dans cette vie...

« Chére Nadine, je suis si honorée que mon existence est croisée la votre...
Vous vivez encore aujourd’hui et pour l’éternité dans la mémoire et le coeur de ceux qui restes ici-bas. 
J’espère que votre esprit est en paix à présent. 
Sachez qu’ici, ceux qui vous ont connu sont fiers de la femme que vous avez été. 
Merci à vous d’avoir eu le courage de vivre parmi nous…
Votre âme fût une bénédiction pour notre monde. »


Charlotte, infirmière par amour (été 2023)




(Photo Charlotte V.)