Article 14 : Autocompassion

Les expériences de la vie ne sont ni bonnes ni mauvaises. Elles sont.

Mais lorsque leurs réalités nous percutent, les expériences se teintent alors de la couleur de nos émotions : nos pensées font naître en nous une floraison de ressentis accaparant notre corps tout entier qui se met à nous parler.

  • Lorsque l'événement nous rend heureux, nous nous laissons facilement envahir par la joie et nous sommes bercés par son retentissement doux et puissant.

  • Lorsqu'un évènement nous fait souffrir, nous pouvons alors nous sentir découragé, affaibli et même détruit par la vie.

Il est important d’apprendre à écouter le langage de notre corps et à observer cette agitation intérieure afin de mieux comprendre ce qui nous anime en profondeur. Et pour ce faire, il est précieux de pouvoir apprendre à se connecter à une capacité qui est en nous mais que nous n’avons pas appris à développer dans un monde qui prône le pouvoir et la compétition. Il s’agit de l'autocompassion, une pratique d’inspiration bouddhiste.

  • L'autocompassion pour reconnaître nos imperfections avec douceur.

  • L'autocompassion pour envelopper nos fragilités avec de l’amour.

  • L’autocompassion pour se dire que nous faisons, avant tout, comme nous le pouvons…

Lorsque nous sommes face aux épreuves de la vie, nous résistons à une partie de nous qui est plus sombre au lieu d’essayer d’écouter ce qu’elle a à nous dire. En effet, nous portons en tant qu’humain une dualité entre une ressource positive qui nous anime naturellement mais aussi une part plus noire que nous dissimulons coûte que coûte de manière plus ou moins consciente ce qui nous demande beaucoup d’énergie. Mais cette ombre nous semble obscure seulement parce-que nous avons choisi de la cacher et de la refouler par peur de nous y confronter. Cela crée en nous une lutte permanente et épuisante pour réprimer toute une partie de ce que nous sommes.

Il est important d’identifier que cette part moins valorisante de nous est inhérente à notre nature humaine tout simplement. Nous sommes faits de cet ensemble. Cette ombre n’est pas notre ennemie. Nous la rejetons au lieu de l’accueillir ce qui revient à nier toute une partie de nous-mêmes pour arriver à la fin de notre existence à ne pas avoir réussi à nous comprendre : nous risquons de mourir à la vie avant même que la mort nous attrape si nous n’avons pas ce courage de nous reconnaître tel que nous sommes véritablement. C’est ainsi que nous risquons de passer à côté de notre vie en nous contentant de cohabiter avec nous-mêmes plutôt que de nous engager entièrement avec tout notre Être et de développer notre véritable nature unique.

Dans un premier temps, il serait intéressant de regarder notre partie sombre avec plus d’indulgence : sa noirceur serait alors moins tumultueuse pour notre cœur. Dévoilée à la lumière de notre vie, nous pourrions ainsi commencer à prendre soin d’elle et nous serions surpris par des découvertes passionnantes que nous ferions dans les tréfonds ensevelis de notre Être. Nous avons ce choix.

  • Garder secrète cette part plus sombre de nous qui nous effraie et que nous étouffons à chaque fois qu’elle essaie de nous parler d’elle. Continuer à occulter, par peur, une partie importante de notre personnalité et maintenir ainsi l’illusion de rester protéger contre la souffrance.

  • Ou alors, accepter d’entrouvrir doucement la porte pour éclairer une partie plus fragile et inconfortable de nous mais qu’il est possible d’apprivoiser. Car, oui, c'est bien en étant complet que nous sommes humains. Nous ne sommes pas digne d'amour seulement parce-que nous valorisons notre côté lumineux aux yeux du monde extérieur : nous en sommes digne car nous osons ÊTRE. Et c’est cette authenticité qui attirera à nous l’amour dans tout ce qu’il a de plus vrai et de plus noble.

Pour parvenir à admettre et à accueillir cette ombre qui nous façonne tout autant que la lumière, éveillons en nous ce don merveilleux que nous pouvons nous faire : grâce et avec l’autocompassion, cette merveilleuse indulgence, cajolons nos souffrances cachées. Apaiser la peur, écouter la douleur, offrir le pardon à nos erreurs d’humains…pour dépoussiérer les recoins de notre cœur qui a porté trop longtemps nos déboires d’existence non assumés.

L’autocompassion peut nous permettre d’accéder à cette grotte humide de tous nos chagrins retenus et qui crée cette obscurité : il s’agit en fait de l’enfant blessé que nous avons été, jadis, et qui n’a pas toujours pu être écouté et choyé. Ces non-dits de l’enfance, accumulés au fil des âges, ont laissé une partie de notre Être à la dérive.

L’autocompassion peut apporter de la bienveillance à l’adulte que nous sommes pour réparer petit à petit l’enfant dévalorisé qui demeure recroquevillé en nous et qui est emprisonné alors que lui ne demande qu’à vivre. Cet enfant parle régulièrement derrière nos émotions d’adultes, celles qui sont parfois fortes et démesurées. Il demande notre attention : accordons-lui enfin cette faveur car il la désire depuis si longtemps et nous découvrirons enfin qui nous sommes. L’adulte n’est pas supérieur à cet enfant. La croyance limitante que seul l’adulte a la capacité d’apprendre à l’enfant comment vivre nous a éloigné de cette possibilité d’apprendre l’un de l’autre en toute égalité. Et notre enfant intérieur réclame aujourd’hui cette justice. Offrons-lui ce cadeau et nous nous offrirons la liberté d’Être. Apprenons à décoder le langage de nos émotions. Quand l’adulte souffre, son enfant intérieur tente de communiquer et de révéler des clefs de compréhensions.

  • Découvrir que derrière un reproche, il y a un besoin à nourrir.

  • Identifier que derrière une attente, il y a un besoin de partage.

  • Apercevoir que derrière un silence, il y a un besoin d’écoute.

  • Comprendre que derrière un rejet, il y a un besoin de présence.

  • Sentir que derrière une colère, il y a un besoin d’amour.

Il faut absolument modifier notre regard sur nous-même car nous ne sommes ni tout blanc, ni tout noir. Nous SOMMES et c'est tout. Avec nos tourments et nos bonheurs, nos limites et nos trésors. Il est impossible en tant qu’humain d’être parfaits, de toujours faire les choses bien, de réussir du premier coup tout ce que nous entreprenons…C'est juste impossible ! Quelle dureté de s’infliger autant de pressions et d’exigences…

Et tant mieux si nous n’arrivons pas toujours au but souhaité : que pourrions-nous comprendre du chemin d’existence ? Plonger dans notre profondeur demande une pause sur le chemin, un obstacle qui nous arrête afin d’entrer dans notre intérieur. Au lieu de regarder devant, la vie nous demande alors de regarder dedans. Pour cela il faut repenser au plaisir de pouvoir découvrir, modifier, perfectionner, cheminer...sur place. Pas demain mais maintenant. Allons faire connaissance avec nos petites failles qui nous arrêtent et sur lesquelles nous trébuchons ...avant de reprendre la route. Ce temps ne sera pas perdu. Bien au contraire. Contempler notre âme pour mieux visualiser la vie que nous désirons vraiment. 
Finalement, nous pourrions gagner un temps précieux. Celui de savourer les moments présents et comprendre véritablement vers quelle destination nous souhaitons diriger notre barque plutôt que de marcher sans réfléchir avec le poids de nos chagrins qui s’accumulent sans leur donner du sens.

L’autocompassion est la clef. Elle nous permet d’accepter que, parfois, notre vie puisse être nulle...sans fatalité et sans aggraver les choses. Elle nous aide à admettre avec bienveillance que ça ne marche pas toujours et que nous n’y arrivons plus. Et tout cela ne veut pas dire que c’est fini. Au contraire, cela peut être le début d’autre chose dans notre histoire personnelle. Et cette bonté que nous nous offrons alors nous apporte le courage de ne pas nier notre souffrance mais juste de la considérer comme naturelle lorsqu'elle prend place en nous. Car la souffrance fait partie de la vie elle aussi. Cette légitimité que nous lui apportons nous permet de la reconnaître puis d’initier un dialogue intérieur pour tenter de conjuguer avec ce qu’elle a à nous enseigner : elle née souvent de la comparaison entre nos idéaux et la réalité. Le fait de ne pas accepter que les choses se passent comme elles se passent, voilà ce qui créé en partie cette souffrance. Car plus nous résistons à ce qui se déroule ici et maintenant, plus nous souffrons. Et résister contre nous-même revient à lutter contre qui nous sommes. Lâcher prise sur nos idéaux est une première issue. Cela ouvrira une porte vers un apaisement que nous méritons car nous n'avons pas à avoir honte de notre humanité qui peut être parfois bancale et fragile. Cette vulnérabilité en nous permet d’ouvrir des portes précieuses comme la bienveillance, l'altruisme et l'empathie : des valeurs humaines à développer pour une vie plus harmonieuse avec soi et les autres.

« Tu peux être fière de toi et du chemin que tu as parcouru jusqu'à maintenant.

Malgré les tremblements de terre tu t’accroches. C'est un chemin très courageux tu sais…

Alors surtout, continues comme ça. Promets-le-toi.

Car tu es ta plus grande histoire d’amour. »


Charlotte, le 14/11/2021

« Je me pardonne pour tous mes échecs en tant que soignante… »

« J’apprends à pardonner chaque jour ma maladroite humanité. »


* photo Charlotte Vergori

Article 13 : Éphémère

Il faut que je te parle. C’est important.

Je sens un lien se construire entre nous : tels les racines d’un arbre, nos énergies s’entremêlent, communiquent et fusionnent. De cette façon, l’énergie d’amour peut circuler librement entre nous. C’est magnifique.

Toutefois, nous devons aborder aujourd’hui nos lendemains incertains dans la pénombre du matin levant ; Regarde comme le ciel est beau ! Son infini reflet est perceptible dans chaque goutte de rosée que la fraicheur de la nuit a déposé avant de partir. La nature endormie se réveille doucement. Ce spectacle généreux qu’offre la vie, si on sait l’apprécier, semble éternel…et pourtant, notre présence sur terre ne sera, un jour prochain, plus qu’un souvenir dans le passé de la grande histoire de l’Humanité.

Ne nous perdons pas dans l’illusion de l’immortalité qui nous fait occulter bien souvent que notre vie terrestre s’éteint un jour. Et lorsqu’une relation vient au monde, elle est vouée à une destinée éphémère à notre image d’être-humain. La mort de nos corps de chairs est un fait inéluctable de notre existence. Personne n'y échappe. Au moment même où nos cœurs se sont épris, nos vies se sont dit adieu. Alors oui, nous nous quitterons quoi qu'il arrive.

Mais, en cet instant, asseyons-nous dans un petit coin de notre présent : créons ensemble un cocon dans lequel nous pourrions aborder tous nos tourments. Main dans la main, métamorphosons ensemble le prisme de notre réalité qui ne nous donne qu’un petit aperçu de ce que peut être véritablement la vie.

-          Empruntons des mots différents pour parler de tout ce qui prend fin inévitablement.

-          Adoptons des mots moins durs pour appréhender le caractère fugace de notre vie.

-          Composons des mots plus doux pour ouvrir les portes de nos croyances intérieures avant de partir.  

La vie est faite de séparations tout au long de notre chemin qui sont plus ou moins difficiles à supporter en fonction de notre capacité d’adaptation et de notre degré de dépendance. Et l’acceptation que la vie n’est pas immuable peut permettre la naissance et la manifestation de pensées nouvelles et inattendues en nous. En effet, osons nous ouvrir à l’inconnu et faisons connaissance avec ces nouvelles visions de ce que nous pourrions expérimenter de notre vivant. Elles pourraient se révéler être un trésor de compréhension sur une version nouvelle de l’amour : il semble disparaitre avec la mort, emporté par le départ de l’être cher, or, l’amour a peut-être d’autres secrets à nous révéler. Je ne dis pas que cette nouvelle conscience à mettre en sens est saisissable en un instant. Mais il y a quelque chose à tenter.

Commençons par réconforter cette peur d’être séparé l’un de l’autre. Et même si cela ne dure qu’un court instant, ce n’est pas grave : essayons de dépasser cette angoisse du vide qui n’est qu’une création de notre pensée. Puis ouvrons notre cœur à l’amour : parce-qu’un jour nous ne serons plus ensemble, nous pouvons nous réconforter avec l’idée que le pire serait de ne s’être jamais connu. Oui, la souffrance plus grande encore, serait de ne pas permettre à nos cœurs d’être riche de nous et notre intérieur serait alors un désert de sentiments. Ayons cette gratitude des souvenirs crées ensemble et qui nourrissent notre humanité. L’amour nous transforme. Soyons prêt à le perdre parce-que nous l’avons tant chéri. Et mobilisons notre élan vital face à l’ombre de la fatalité : essayer de transformer continuellement notre regard, surtout les jours de pluie, pour réaliser que le plus important est de continuer à nous aimer…quoi qu’il advienne de nous.

Au fond, le processus de la vie et de la mort demeure un mystère entier pour chacun d’entre nous. Alors peut-être que nous pouvons nous autoriser à croire que la mort ne détruit rien : peut-être que la mort n'est qu'un passage, un pont vers une suite et un avenir d'amour avec tous ceux qu'on aura porté dans notre cœur sur terre. Nous avons le droit de rêver ce futur. Rien ne nous interdit d’espérer.

Maintenant, reprenons le cours de notre vie au présent, savourons avec joie chacun de nos partages : faisons fleurir l’arbre de notre histoire d’amour chaque jour. Là est notre chance. Qu’on s’aime d’un amour filial, amoureux ou amical, osons l’amour à chaque instant avec tous ceux qui sont importants pour nous. Et exprimons le ! L’amour sincère est une promesse de bonheur. Il représente l’essentiel le plus important du monde. Car l’amour est un cadeau et notre mission la plus importante sur terre est de le partager jusqu’à notre dernier souffle.

L’éphémère est au creux de notre vie mais l’amour est au cœur de notre âme : c’est sur l’amour qu’il faut tout miser. Et alors l’éphémère fusionnera avec l’infini…

En entrant dans la vie, nous sommes arrachés à notre essence originelle.

En venant au monde, nous n’habitons plus nulle part.

Puis naissent les liens d’amour qui nous rappellent, qu’en fait, nous habitons un peu partout...


Charlotte…une éphémère parmi d’autres

(Novembre 2021)


* photo Charlotte Vergori