Article 6 : Octobre rose, une exposition à découvrir...

C'est un soir "comme un autre" que je pars travailler à l'Institut Bergonié au début de ce mois d'octobre. 

C'est un soir d'embauche et, je l'avoue, un soir où j'avais le cœur lourd de partir travailler malgré l'amour que j'ai pour les gens et mon métier : les horaires de nuit sont difficiles physiquement et quitter mes deux jeunes enfants sans pouvoir les accompagner pour le coucher (un moment privilégié pour moi) est souvent douloureux pour mon cœur de maman. Et lorsque je franchis la porte de Bergonié, des grandes photos lumineuses attirent tout de suite mon attention. Un courageux travail est réalisé, cela saute tout de suite aux yeux...

Ces belles photos me redonnent immédiatement un élan positif pour aller travailler. Je ne sais pas encore pourquoi car je n'ai pas lu le but de cette exposition mais elles évoquent pour moi beaucoup de vie et d'amour ce qui me motive profondément pour aller retrouver les patients ce soir là.

Ces photos sont exposées tout le long du couloir du rez de chaussée de l'établissement et j'en longe une partie pour atteindre l’ascenseur qui me mènera jusqu'à mon étage de travail. 

Le temps que l'ascenseur arrive, mon regard se fixe sur une photo en particulier qui se trouve en face de moi. C'est une photo qui représente une famille : il y a un couple, un bébé mais surtout une femme qui souffre d'alopécie (chute des cheveux). 
A ce moment là, des sentiments de tristesse comme de bonheur se mêlent en moi. Étant infirmière en cancérologie, je sais ce que l'alopécie signifie. Mais la famille que je vois en face de moi a plus de sens et de force que la maladie. Malgré que l'on devine ce dont souffre cette jeune femme, aucune tristesse ne transparait sur cette photo finalement. C'est juste un magnifique trio d'amour...

C'est ainsi que je pars travailler, un peu pressée, mais surtout avec ces photos qui me restent en tête...

Et c'est le lendemain matin, seulement, que je prends enfin le temps de lire. Lire un beau témoignage. Celui d'une femme, du nom d'Ingrid, qui parle d'un événement de sa vie qui associe, malgré elle, cancer et maternité. Ces deux mots ne semblent pas aller ensemble, ces deux événements ne semblent pas pouvoir se rencontrer un jour et pourtant...Ingrid devra apprendre à conjuguer les deux en même temps.

Tous les rôles de ma vie sont touchés lorsque je découvre cette exposition : le premier étant celui de la mère que je suis. Comment ressentir paisiblement la maternité dans son cœur tout en subissant un corps qui se transforme, malgré soi, par la maladie ? 

Puis c'est en tant que femme que je suis émue car je ne sais que trop bien dans mon quotidien professionnel combien son image d'être-humain, de femme, est bouleversée à jamais par le cancer. Mais je ressens également des émotions positives à la vue ce cette photo car je perçois toute la féminité d'Ingrid qu'elle a su protéger malgré l'acharnement du cancer et des traitements sur son corps.

Et enfin, l'infirmière que je suis est admirative de la femme que je vois, d'Ingrid...Elle me rappelle combien je continue humblement et avec plaisir à apprendre mon rôle de soignante auprès des patients. Leur courage est un enseignement précieux...

Cette exposition poignante me montre, tout comme régulièrement à travers mes rencontres avec les patients, combien la maladie bouleverse douloureusement et à jamais la vie mais aussi combien l'amour peut surmonter tous les combats, même les pires...

C'est avec beaucoup d'émotions sincères que je remercie Anaka pour son professionnalisme qui donne vie à des photos incroyables et que j'ai adoré découvrir en allant travailler.

Et un immense BRAVO et merci à Ingrid pour son témoignage courageux tout en intimité qui est enrichissant à découvrir pour nous tous...Une héroïne de maman :)
Merci à toutes les deux de m'autoriser à parler de vous, je trouve que la transmission est essentielle humainement et professionnellement. Je suis sûre que les collègues qui me lisent et mes proches seront aussi touchés que moi par votre histoire...

Voici une belle photo que ces deux jolies personnes m'ont transmise pour mon écrit. Je vous laisse la découvrir, elle évoque merveilleusement bien les émotions de cette touchante exposition : l'expression des yeux, d'un visage, étant souvent plus forts que les mots...




"A Ingrid et sa jolie famille"


Vous pouvez retrouver cette fabuleuse exposition en libre accès à l'Institut Bergonié jusqu'à la fin de ce mois et découvrir le travail d'Anaka sur sa page facebook "Anaka Anaka".



Charlotte, infirmière par amour

Article 5 : Témoignage d'une précieuse collègue


Voici le témoignage d'une collègue que je trouve tellement juste que je voulais le partager ici. 
Je me retrouve derrière chacun de ses mots, chacune de ses ponctuations. J'ai la chance de travailler régulièrement avec elle puisque nous sommes dans le même service de cancérologie et je suis très heureuse de partager des moments professionnels aussi forts avec une infirmière exceptionnelle. 
A toi, Delphine, merci pour ton témoignage qui met à l'honneur notre quotidien professionnel trop peu reconnu en effet. Mais l'important est que l'on puisse se soutenir, se compléter, avancer en équipe et surtout reconnaître, nous, la riche profondeur de notre métier afin de continuer à l'exercer avec envie. A bientôt cher binôme.





" Une longue semaine qui s'achève bientôt...60h au travail (65h officieusement?) 10h de route, 30h de "sommeil" ... Rien d'exceptionnel, nous sommes nombreux à le faire...
On se démène avant tout pour nos patients qui donneraient n'importe quoi afin de ne pas subir cette maladie... On leur apporte écoute et soins afin de palier au mieux à leurs maux qui sont souvent décuplés la nuit... On se démène afin de rassurer leur entourage, en tout cas leur apporter un soutien... On se démène pour l'équipe de jour qui prendra la relève, car oui l'équipe de nuit est bienveillante malgré son petit effectif ... On se démène contre notre métabolisme perturbé... 
C'est un métier difficile, un métier qui n'est pas reconnu, un métier dont les responsabilités sont totalement méconnues avec des conditions qui se dégradent... 
Mais c'est un métier d'une richesse humaine hors norme quand on lui donne du sens ... Je n'ai aucuns regrets sur mes choix, je fais ce métier avec beaucoup de conviction. 

Dans 4 jours je reviendrais donc avec le sourire pour entamer une nouvelle session de nuits avec des collègues exceptionnelles, endosser ma tenue d'infirmière, en réalisant que j'ai beaucoup de chance de faire ce métier...
Je vais avoir 4 jours de repos. Trop de chance ? Non, c'est au moins ce qu'il faut pour "récupérer". Retrouver un semblant de rythme et de vie "normale"... Pouvoir être présente pour ma famille, mon mari, mes enfants... Car ce n'est pas "drôle" d'avoir une femme, une maman, qui part le soir a 18h30... Une maman souvent fatiguée ... Ce sont eux ma force et ces 4 prochains jours comme tous les autres jours de ma vie, ils seront ma priorité…
Pendant ces 4 jours il faudra aussi choisir entre faire ma sauvage ou sortir de mon trou et dans ce cas affronter les gens qui te disent "oh tu as l'air fatiguée" pour la 100000 ème fois depuis 2 ans... Te justifier encore et encore ... Heureusement il y aura aussi ceux avec qui je partagerai un bon moment, une activité ou un café ...
En fait, quand on travaille la nuit on ne "dort" pas contrairement aux idées reçues... On essaye de se poser 1h ou 2h (grand max, si rare...) ce qui est juste "Normal et recommandé" sur une nuit de 12h...

En attendant vivement ce petit dej' dans quelques heures, en tête à tête avec mon mari... Un moment simple et privilégié de ma vie dont je ne me passerai pour rien au monde ..."