Article 29 : Dans mon monde


J'aime une façon entière de ressentir la vie :
- élucider les épreuves qui nous percutent,
- donner du sens à nos pensées énigmatiques,
- éprouver le désordre des sentiments humains,
- se heurter aux moindres détails de notre expérience terrestre pour en éprouver toutes ses leçons d’apprentissages...

Ma vie pourrait se résumer de cette façon : un tsunami émotionnel faisant déborder mon cœur à chaque instant et me rappeler dans une certaine joie mêlée de douleur que je suis belle et bien vivante.

J’essaie chaque jour de tenir bon en faisant le choix de l’authenticité. Je veux cette vérité d’existence comme un serment d’amour que je fais à mon cœur et aussi à l’autre. Un choix de vivre vrai, dans la profondeur de tout ce que je côtoie afin de comprendre le monde, la vie et pouvoir partager tout ça avec d’autres cœurs humains. 
Je veux interagir et accueillir avec un courage réciproque les relations qui se présentent à éprouver. Pour ne pas avoir de regret, pour partir de ce monde avec des souvenirs pleins le cœur, pour fermer mes yeux sur l’étreinte de l’amour mutuel serrant chacun de nos cœurs humains avant de s’en aller…
J’aspire à la construction de mon Être tout entier, en un seul morceau, sans masque, ni mille visages pour grandir en conscience afin d’atteindre le véritable chemin de mon cœur, cette voie unique qui peut révéler à celui qui l’emprunte, les milliers de secrets précieux de son âme…avant que la vie ne s'éteigne pour de bon.

Ce matin semble identique à hier et pas moins que demain. Cependant, à la lueur de l’aube, le jour est à présent plus fatigué que jamais. Mon cœur est endolori de n’avoir pu s’échapper dans les bras de la nuit ni se réfugier dans un sommeil serein. Ce matin il crie encore dans un dernier soupir : « je t’en prie, ne m’oublie pas. » Il parle au monde. Désespéré il parle aussi à ces êtres aimés que les illusions de la vie ont fini par éloigner.

Le lien à la vie est douloureux car une fois incarné sur cette nous perdons l’unité. Le lien à l’autre est déchirant car l’amour ne vibre jamais au même niveau. Cependant, notre condition humaine est précieuse pour comprendre qui on est. Et l’amour est une nourriture indispensable à la survie de notre âme sur terre. Mais c’est aussi notre humanité fragile et apeurée qui retient notre véritable nature rendant notre lien à la vie pleins de difficultés et le lien à l’autre pleins de souffrance.

Je me souviens de ces jours lumineux et pleins de douceurs durant lesquels chacun de nos cœurs avait réussi à inventer « un cœur pour un cœur » dans cet élan de l’amour naissant. Car c’est ça aimer. Trouver le chemin de réunion où nos deux cœurs peuvent se parler et s’écouter. A deux, ils inventent une route, un lien d’amour, une intensité commune qui raconte la même histoire d’amour : un nouveau cœur singulier pour unir nos deux cœurs ensemble. Sur cette route, on se tient la main très fort pour se sentir invincible durant toutes les saisons de l’existence, les douces comme les plus rudes. Car notre cœur est plus grand, plus courageux et plus robuste lorsqu’il est fait de deux humanités : alors le bonheur prend nos deux noms, la douleur a plus de bras pour la consoler et nos corps aux pluriels se positionnent ensemble pour construire notre relation telle une demeure à protéger. Il y a aussi plus de larmes et de sourires à partager pour arroser le jardin de la vie et fabriquer des arc-en ciel. Il était beau ce temps-là.

Mais un jour nous n’avons plus raconté la même histoire d’amour. Ton cœur est parti. Et le mien s’est perdu. Il est resté sur la route que je pensais avoir bâti dans la réciprocité de notre amour singulier.
Aujourd’hui, dans ma lutte intérieure, j’essaie de convaincre mon cœur que ce n’est pas grave si l’amour prend des chemins différents. Il a quand même existé. Je ne sais pas si cela consolera mon cœur d’avoir trop aimé car c’est tout son monde qui s’écroule à chaque fois…mais il m’écoute courageusement lui murmurer tout doucement des jolis mots d’existences et pleins d’humanités. Ces mots qu’ils aiment entendre car ils résonnent dans chaque battement qui le maintienne en vie. Et aujourd’hui ce sont les mots qui restent tout près de mon cœur car ils ont le même langage. Et le même amour.

Avant de partir, je voudrai te partager une dernière fois avec mes amis les mots, ce que le son des battements de mon cœur essaie de raconter ;

- Dans mon monde, la nature m’enivre de toute sa beauté, je la ressens dans tout mon Être : les rayons du soleil me donnent l’impression d’être enlacée passionnément, le chant des oiseaux me connecte à l’âme du monde dans sa pureté la plus incroyable, le vent me caresse les cheveux, le visage, les bras et sa douceur fait exploser mon cœur de tendresse. 

- Dans mon monde, l’amour a une résonnance qui n’est pas perceptible par nos sens humains. C’est une sensation aussi forte et fragile que nos yeux ne peuvent pas voir mais que le cœur peut ressentir. C’est un son que nos oreilles ne peuvent entendre mais c’est une vibration qui enveloppe tout l’Être et que seul notre esprit peut véritablement écouter et comprendre.

- Dans mon monde, quand on ouvre son cœur pour le confier à une personne aimée, on devient tout petit : on se montre sans se cacher et on apparait tout brisé devant l'autre. Alors, dans le flux de l’amour partagé, on découvre dans son regard qu'on existe. Et on apprend à l’autre aussi combien son existence est précieuse. On grandit ensemble, dans les joies et dans les peines car l’amour, c'est quand on partage tout, et que la communion ne vole rien de nos jardins secrets : l’amour, c’est s’accueillir mutuellement avec toute la bienveillance du cœur.

- Dans mon monde, aimer c’est être face à la liberté de l'autre sans jamais se sentir seul, c’est s’aimer autant, avec la même musique car là où la blessure creuse, brusquement surgit l'amour : en devenant inséparables, on est plus fort.

Ma vie rime avec intensité : c’est ça mon monde...
Et en arpentant la terre chaque jour, j’apprends à mes dépends que la tragédie de ce monde n’est pas la mort mais le manque d’amour pour soi, pour l’autre, pour la vie dans toute sa réciprocité et son unité la plus pure.
L’humain ne sait pas écouter son âme pour vivre un amour réciproque avec la vie.
L’humain ne sait pas écouter son cœur pour vivre l’amour dans toute sa grandeur avec un autre cœur que le sien…


Charlotte, août 2022



(Photo Charlotte Vergori)