Article 3 : Au revoir monsieur M.

Un patient est décédé ce matin.

Une existence a atteint son terme pour toujours. Cela laisse en moi un sentiment étrange. Pourtant ces situations font partie de mon métier. Peut-on seulement "s’entraîner à côtoyer la mort" ? C'est une illusion car, même avec une blouse d'infirmière, je suis avant tout une personne qui a ses propres peurs et sa sensibilité. Je suis mortelle moi aussi et la mort des patients ne me le rappelle que trop bien. 

Je dois cependant conjuguer avec ces prises de conscience qui sont plus nombreuses dans mon quotidien que si j'avais choisi d'exercer un autre métier. 

Pour autant, à chaque rencontre avec la mort, je tente de la connaitre toujours un peu mieux ; Elle ne porte pas de manteau noir et n'a pas de masque effrayant comme on pourrait l'imaginer puisqu'elle ne représente à nos yeux qu'une image de peur et de tristesse.  

Ce matin, il me semble avoir entrevu une lueur différente dans la chambre de ce monsieur : et si la mort nous donnait seulement la main quand notre "contrat de vie" était terminé ? Pendant l'espace d'un instant, avant que la tristesse ne me regagne, j'ai essayé de considérer que la mort était aussi importante que la vie. C'est bien elle qui donne un caractère si précieux à notre existence et qui nous rappelle de ne pas oublier de vivre. Sans la mort, la vie n'aurait pas toute sa beauté. 
Dans ces moments là, ces moments de pertes, nous n'avons que l'amour comme point de repère. L'être-humain ne peut s'accrocher qu'à ça pour survivre lors du deuil. Parce-qu'au delà de la mort, le lien d'amour existe toujours...Ce lien indéfectible qui saura perdurer à travers l'absence physique car l'attachement n'aura jamais d'âge.


Dessin de Mickaël Fort


PS : merci à mon binôme aide soignant de cette nuit là pour son travail extraordinaire et à cette jeune infirmière qui a su gérer cette situation avec beaucoup de professionnalisme. Car sans un travail d'équipe, notre métier n'aurait aucun sens...


Charlotte, infirmière par amour